Parfois

Parfois la vie me fait mal parce que ce n’est jamais comme dans ma tête. Les projets, les voyages, les moments. Je pense à ça quand je regarde le paysage depuis la fenêtre du train, en écoutant de la musique.

Parfois ça me fait mal parce que tout ce que je ressens me heurte. Voir partir le TGV Lyria pour la Suisse et se demander une seconde pourquoi je ne sauterai pas dedans. Un paquet de tartelettes à la fraise oublié sur un banc et c’est le sucre qui vous prend à la gorge, le goût de la fin de l’enfance pas encore digéré.

Quand je suis allongée sur mon lit, j’imagine au plafond tous les feux d’artifices que je n’ai pas encore vus, tous les quatorze juillets, tous les étés plein de promesses et qui ne me manquent pas encore. Je vais au cinéma parce que là-bas la vie est moins brûlante. Pendant le générique j’ai une minute de répit, avant d’être déjà nostalgique de tout ce que je vais vivre dehors.

Tout ce qui est beau me transperce.

Les rires qui ne peuvent pas s’arrêter, les parfums de bière qui montent à la tête, toutes les sensations. Au lac de Miribel, flotter sur l’eau, voir le ciel très bleu, n’entendre que le bruit de ma respiration et la surface de l’eau qui cogne doucement contre mes tempes.

Il y a aussi tous ces moments précieux. Le bar à Croix Rousse où j’ai été avec Juliette. La chaleur du dehors, les gens qui chantaient « Non je ne regrette rien ». Il y a ce soir de mai où on était dans le salon avec Ambroise et on essayait de se souvenir de pas de danse classique sur la chanson d’Anne Sylvestre.

Il y a faire accélérer le soleil sur soi quand on est à vélo, les craquements des feuilles dorées en automne, se réchauffer à un souvenir, se faire éclabousser par une vague, mâcher deux chewing- gum d’un coup comme à l’adolescence, l’adrénaline en haut du mur d’escalade, passer quand les portes du métro se referment. J’ai mille vies et je voudrais que ça ne s’arrête jamais.