L’oiseau Bleu

On connait tous ce merveilleux passage :
« Apprivoise moi »
– Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?
 – C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « Créer des liens… »
 – Créer des liens ?
 – Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde… si tu m’apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c’est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d’or. Alors ce sera merveilleux quand tu m’auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé… ». Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :« S’il te plaît… apprivoise-moi ! dit-il.

Apprivoiser, ou mieux s’apprivoiser, est un cheminement, un vrai parcours initiatique, avec ses étapes, sa progression, son apprentissage, ses reculs, ses avancées, un parcours bilatéral et équilibré ……avec un aboutissement indélébile !

Marcel est un petit garçon de 7 ans, joyeux, curieux, de petite taille, les cheveux blonds, les joues rondes et rosées ; Marcel travaille bien à l’école, il fait le bonheur de sa maitresse, de ses parents, de tous ceux qui l’entourent .
On est fin octobre, le temps est un peu gris, Marcel joue dans le jardin avec un rien: une pierre, deux cailloux, un bout de bois, quelques feuilles tombées en dessous du noisetier: ça lui suffit pour se raconter des histoires « de trésor caché qu’il faut absolument retrouver avant, avant …. ce vieux corbeau qui vient de se poser.. »

-Marcel ! appelle la maman, vient prendre ton gouter, déchausse toi avant d’entrer et lave-toi les mains !
-J’arrive, répond-il.
Et il s’exécute aussitôt.
-Tu sais maman je viens de voir un énorme corbeau dans le jardin, il ressemble à l’oiseau de la méchante sorcière de la belle au bois dormant, il est gros, il est tellement noir presque bleu foncé, tu crois qu’on pourrait le faire entrer à la maison ? Je l’aurais pour Halloween !! Les copains seraient épatés !
-Tu rêves Marcel, les corbeaux, sont des oiseaux sauvages, pas très gentils, ils pourraient te pincer les doigts pour prendre ton pain. Ce n’est pas une bête très intéressante,
-Dommage! tant pis!
Comme tous les jours, après le goûter, Marcel prend son sac d’école, et commence ses devoirs, mais son esprit est ailleurs !
Le lendemain à l’école, après le cours d’histoire, il s’approche de sa maitresse et lui demande : 
– Madame s’il vous plait, est ce que les corbeaux sont des oiseaux méchants qui
portent malheur?
-Pourquoi me dis tu cela Marcel ?
-Comme ça, pour savoir !
-Non ! je ne crois pas, les corbeaux font un peu peur parce qu’ils sont noirs, et
que leur cri est rauque et comme enroué mais ce sont des oiseaux comme les
autres ! Je crois même qu’un corbeau peut apprendre en observant, et peut utiliser des
outils, il peut être apprivoisé avec énormément de soins et d’attention, et est
très joueur !
-Merci madame! Finalement, c’est un animal sympa !
Et toute la fin de la journée Marcel pensa à cet oiseau bleu foncé vu dans le
jardin…


Le lendemain c’était mercredi, pas d’école, Marcel s’habilla chaudement après son petit déjeuner, mit ses bottes et sortit dans le jardin.
« où es-tu oiseau bleu-noir? Oiseau bleu? bleu ! gris-bleu ? noir avec des reflets parfois bleuté ! ou plutôt noir !! où es-tu corbeau? je ne te vois pas, mais je suis certain que toi tu me vois et m’entends! Je voudrais te trouver un nom! que dis-tu de Ferdinand ? Je t’ai apporté un morceau de pain je pense que tu aimes ça ! Regarde, je le pose là, vers le noisetier, je reviendrai dans l’après-midi voir si tu l’as mangé ! Salut, à plus .. »
Vers 16heures Marcel fit ce qu’il avait dit: le bout de pain était parti! Marcel sentit son cœur battre de joie et d’émotion mais peut être un autre animal l’avait-il pris!
Chaque jour quand il le pouvait le petit bonhomme sortait et appelait « Ferdinand, Ferdinand ! »
Il lui fallu attendre cinq jours pour réapercevoir le corbeau qui s’envola dès qu’il s’approcha.
La maman de Marcel se demandait bien ce qu’il faisait si régulièrement dans le jardin à scruter les ciel à regarder dans tous les coins, dans le noisetier, mais son fiston avait l’air de bien s’occuper et de bien s’amuser, elle ne posa donc pas de questions.
Quand son mari rentra des champs, elle lui fit part de sa réflexion :
-Ça va Vincent? Trouves tu Marcel comme d’habitude en ce moment ?
-Ouuii, peut être un peu plus distrait, lui qui est très ordonné, il oublie de ranger ses chaussons, et même il y a deux jours il sortait dans le jardin, je l’ai croisé, c’est comme s’il ne m’avait pas vu ! Il doit avoir une nouvelle idée dans la tête !

Trois jours plus tard, Vincent rentra à la maison en criant à sa femme :
-Brigitte, Brigitte, je crois que je sais !
-Quoi ? Tu sais quoi ?
-J’ai vu Marcel qui parlait à un corbeau perché sur une branche !
-Un corbeau ! Il m’a posé des questions l’autre jour!

Et de jours en jours, de semaines en semaines, Marcel s’approcha de plus en plus de son nouvel ami. ils semblaient tous les deux répondre à l’appel de l’autre, et même se comprendre !

-Brigitte, regarde vers le noisetier, mais attention de ne pas te faire voir, lui demanda Vincent :
Marcel était droit debout, comme paralysé, ne bougeant plus d’un poil, sauf au niveau des lèvres qui dessinaient sur sa frimousse un énorme sourire: l’oiseau noir-bleu était perché sur son épaule !
Vincent et Brigitte, regardaient ébahis ce spectacle! Vincent ému, entoura la taille de Brigitte et la rapprocha contre lui « et c’est notre Marcel »

Une vraie et belle amitié s’était créée entre ces deux êtres si différents. Ferdinand n’entra jamais dans la maison, mais savait très bien donner des petits coup de bec sur le carreau de la fenêtre pour appeler Marcel. Marcel de son côté n’avait qu’à crier « Ferdinand » pour le voir apparaitre. Il était parfois quelques jours sans venir, et réapparaissait pour la grande joie de toute la petite famille, jusqu’au début de l’été, où il disparut définitivement ! Tué? Parti
sous d’autres cieux? Peut-être avait-il trouvé une compagne pour s’assoir côte à côte en se lissant les plumes et en gazouillant! C’est cette fin d’histoire que en accord j’en suis certaine avec Marcel j’ai choisi en ce début d’année pleine de promesses.

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