Le paysan de Pioneertown

Ils portent un chapeau semblable, pour se camoufler dans une silhouette,
Ils s’affublent du même nom comme à une hypothèque,
Mais ils ne sont pas des cow-boys. Ce sont des bandits.
Quand les fermiers ont en gage la pâture des lointains paysages,
Eux s’accaparent l’horizon, et jouent frivole avec les démons.

Mon métier, ma profession, scarifiée de leurs outrages,
Subit plus que mon âme la tranquillité de ma maison.
Et s’il faut aller à la rivière, oser vivre et boire une eau fraîche
C’est au risque que les méandres de la dantesque cavalcade
Ne m’emporte sans prix.

Mastahmo de sa superbe mohave
M’éclaire de son aride sagesse :
« Il est un trésor plus grand que tu détiens dans tes mains,
C’est de façonner le paysage au gré des saisons.
Et le plus grand des secrets pour réussir ta moisson,
Sinon de congratuler la rivière pour son irrigation :

Tâche dans la vie de cibler tes ennemis,
Et de leur ressembler à eux de moins en moins,
Et à toi de plus en plus ».

Je me souviens des mots de Sancho le sagace,
Lui qui médit les malhonnêtes de sa paroisse,
Voyait les limites de la raison dans une chaîne de montage à l’horizon,
Et la bascule de la probité « un atardecer rojo ».

J’ai rencontré le fleuve en traversant la plaine,
Celle que je ne tiens de personne, que mon ardeur accapare,
Cette eau, ce relief, coule dans mes veines,
Elle m’abreuve et moi je la déverse dans les ares.

Sa fraîcheur m’envahit,
Son souffle me revigore,
Quand au fond de son lit,
Je discerne une pépite d’or.

La rivière est un coffre, elle renferme un trésor
L’or est une fiole, et contient un poison :
Le poison de l’avidité. Celui d’obtenir et de gagner davantage ;
Se griser de posséder, jalouser de ce qu’autrui possède,
Et de craindre la dépossession plus que la mort.

Je me vois dans ce miroir au bord de l’eau,
Contempler mon reflet qui leur ressemble de plus en plus,
Et à moi de moins en moins.

Et le soleil s’est couché.