L’AMI

Un vieux paysan élevait des moutons dans la campagne bourguignonne, il s’appelait Marius ;
Il vivait dans sa fermette, il vaquait à ses occupations tranquillement, fredonnant les airs d’accordéon de sa jeunesse, il marchait à petits pas un bâton à la main, un béret sur la tête ;
Dans ses allées et venues un petit chien l’accompagnait, un petit fox joyeux, coquin, bruyant, désobéissant, remuant; un vrai bon bâton de vieillesse, il s’appelait Voyou ;
Un beau matin, une des brebis mis bat  aidée par le vieux paysan, un agneau tout blanc tout doux vit le jour;
Mais …il n’arrivait pas à attraper la mamelle ! était-il trop faible ? sa maman retenait- elle son lait? Marius s’en rendit rapidement compte, il se mit à friser sa moustache de ses gros doigts rugueux, il parlait tout haut comme pour dialoguer avec un ami, « pov petit, tu n’arrives pas à boire!  je ne vais pas te laisser comme ça! tu vas mourir! t’inquiètes pas! attends je reviens» ; « allez vient voyou on a un travail à faire» Voyou remua la queue sans rien dire, regardant son maitre, il comprenait que la situation était grave!
Avec une bouteille d’eau en plastique, un gant de ménagère, un bout de ficelle,  le tour était joué ,LE biberon était confectionné !« allez voyou vient, on va faire boire le bébé! mais tu restes tranquille, tu ne lui fais pas peur»
Et c’est ainsi avec la patience de l’âge que le premier biberon fut donné sous le regard de la brebis et du petit voyou! dans le pré près de la bergerie;
Ce cérémonial prit place deux fois par jour: à chaque fois que la comtoise sonnait sept coups, Marius et voyou se levaient, sortaient afin d’exécuter leur mission ;
Ainsi pour le bonheur de chacun, on pouvait voir passer à l’heure de l’angélus un petit vieux tout joyeux suivi d’un petit chien sautillant en direction du pré aux moutons ;
L’agneau grandit, grossit si bien que……..il allait falloir le tuer !
Un beau matin le vieux Marius fit donc ce qu’il devait faire, son travail de paysan, il déposa la peau du mouton par terre, et s’en fut débiter la viande comme il l’avait appris de son père ;
Le soir venu, à la maison devant sa soupe, il dit à sa femme « tu n’as pas vu Voyou ? »
« non! il est toujours dans tes pattes d’habitude! »
« oui, mais là ça fait un moment que je ne l’ai pas vu ! »
Le lendemain matin, toujours pas de chien! Marius appela, chercha dans tous les coins, pas de Voyou!  Tout à coup il l’entendit  pleurer, gémir même, bien sûr il le reconnu ! mais qu’est ce qui s’était passé ? était-il blessé? enfermé dans un coin? où était-il ?
Il s’avança et vit, le cœur serré, Voyou couché auprès de la peau de mouton pleurant son « ami» !
Une leçon pour ce vieux paysan qui n’avait fait que son travail sans imaginer un instant le lien qui s’était fait entre ces deux animaux matin et soir à l’heure du repas !
Il comprit ce qu’il savait:
L’amitié n’a ni âge , ni couleur, ni race, ni raison! L’amitié va au-delà de la mort !