Inspiration du style à mon sens audacieux et merveilleux d’Eric Emmanuel Schmitt dans La dame rose et de la chanson que je trouve poignante, Les lacs du Connemara de Michel Sardou
(Les parties écrites en rouge peuvent se chanter sur cet air)
Bonjour Madame Vie,
Rouge, comme une colère violente qui habite en moi
Cette routine oppressante me pèse. Je me vois si terne depuis le départ de mon défunt époux, il y a quatre ans déjà. Et toi, tu n’as rien trouvé de mieux que de m’offrir encore quelques années ! Je t’ai connue moins dure !
Bon, oui Mme vie j’ai capish, l’époque du Père Noël où j’ouvrais avec joie le présent qu’on m’offrait est révolue. Mais bon quand même, tu ne me facilites pas la tâche aujourd’hui. Bon sang, pourvu qu’elle ne soit pas rouge celle-ci. Oups, je m’égare…
Dans mon fauteuil en velours, je reste quelques instants enveloppée de ma couverture. Je bouge délicatement mes doigts de pieds un par un pour les réveiller comme je le faisais autrefois. Flexion, extension, flexion extension… mais…je suis rouillée ou quoi, Mme vie ? Aurais-tu la décence de me répondre un jour ? Tu ne m’auras pas comme ça petite maligne.
Décidée, j’envoie un message à Chloé pour lui dire que cette fois-ci je viendrai. Je peine à me lever pour attraper ma jupe à motifs coquelicot. Mes articulations craquent autant que mes lattes de parquet. Il vaut mieux les voir au-dessous de nous qu’au-dessus de notre tête celles-ci, si vous voyez ce que je veux dire, n’est-ce pas Mme vie ?
Ma jupe coquelicot et mon châle rouge enfilés, j’observe alternativement mon miroir et mon écran de téléphone. Quelle heure est-il ? 18h30 ? Olalalah il faut que je file. Pffffiou je ne m’y ferais jamais à tes chiffres qui défilent tous comme ça sans crier gare, ça me fait devenir rouge colère même après toute ces années, drôle d’invention que tu nous as fait là !
Rouge, comme une rage de vivre et un désir brûlant
Je sors de chez moi, je rejoins mon amie Chloé à l’arrêt de bus qui m’attend depuis… tu dois sûrement savoir. Une petite embrassade et des bavardages, je suis contente de la revoir mais ..qu’est-ce qu’elle est pipelette celle-là ! Mes jambes tremblotent. Rester debout quelques minutes, ça faisait longtemps…
Le bus arrive. J’entre et prends place à côté de Chloé. Elle continue de me parler de ses chats, de son petit-fils Jean qui joue avec elle à la S, je n’sais quoi ! Connais pas.
Le 15 novembre 2022
Je vois afficher la station de bus « Opéra ». J’appuie sur le bouton rouge devant moi et l’écran du chauffeur de bus s’allume. Wouauah je crois que j’ai encore gagné madame Vie ! Je n’ai pas perdu la main après toutes ces années, tu as vu ça ?
Le bus s’arrête, je descends, Chloé m’attend. Ensemble, bras dessus bras dessous, on franchit les portes de l’Opéra.
Beaucoup nous saluent, j’en reconnais certains et certaines. J’aperçois au loin sur le parquet de la scène des danseurs effectuer des sauts impressionnants ! Je suis époustouflée Madame vie, tu devrais venir voir ça depuis le temps que je te le propose ! Je ne regrette pas d’être venue. Remords plutôt que regrets tout ça tout ça, tu as vu je commence à suivre tes conseils hein ?
Le cours va commencer, j’entends le prof (pas sourde la vieille !) au loin nous demander de venir sur scène. Je salue mon partenaire de la soirée, c’est un nouveau je ne le connais pas. Ou bien… c’est moi la nouvelle aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu en dis Madame Vie ?
Tu vas pas me croire…
Enflammée, ardente je suis de désir pour ce danseur au panache incongru et à une liberté bien gardée. Mes joues s’empourprent, la confusion m’habite.
Une pointe de timidité peut-être ? Qu’ouïe-je, de la peur ? de la pudeur ? Affirmatif mon cher Watson, me voilà dans le rouge. Raide dingue. Red. Ou plutôt mouvante en espérant que mes ondulations suivront les siennes.
Rouge, comme un cœur qui bat depuis que je suis enfant
Rouge, comme mémé coquelicot qui embrasse le temps
Quelques heures de douces sensations qui rajeunissent mon cœur aussi fripé que mes pieds rouge sang quand ils étaient enfermés dans ces chaussons de rat d’opéra. De la douleur, de la dureté, de la liberté, de la vie.
Me revoilà en roue libre.
Et psiiit, bien vu Madame vie c’était démentiel ! Merci.
PS : Tu peux m’appeler mémé coquelicot maintenant.
La danseuse à la jupe coquelicot