L’Homme et le Cosmos

Constellations

Ce texte a été écrit sur Creative Infinity (Edit) d’Uppermost. Sa lecture doit donc s’effectuer sur ces notes (https://www.youtube.com/watch?v=a36kMGRJIEA)

Le Rêve.

La nuit était douce et le ciel dégagé. La brise légère venait effleurer ses cheveux souples. Le clapet de sa lunette glissa lentement vers le haut, son objectif fit une longue mise au point et ses pupilles se dilatèrent, elle était dans l’espace. Les étoiles scintillaient par milliers ! Tous les soirs d’été, Erica venait dans le jardin de sa maison et contemplait durant des nuits entières ce tableau sublime. Son esprit enfantin s’y projetait avec une facilité déconcertante et semblait voyager parmi ces astres lumineux, entre roches et nébuleuses. Elle se demandait si les étoiles aussi la regardaient. Est-ce qu’elles scintillaient pour elle ? Leur luminescence semblait être un langage commun entre elles, comme si une forme de communication existait entre tous ces corps célestes.

— Erica ! Viens ma chérie.

Chaque soir, sa mère venait la chercher alors qu’elle était allongée dans l’herbe, l’esprit léger et volatile perdu dans les méandres des constellations. Erica replongea son œil droit dans son brave télescope et observa les cercles plats gravitant autour de la planète peinte d’un camaïeu d’ocre.

— Erica ! Allez rentre, tu vas attraper froid !

À nouveau, de sa voix mielleuse, sa mère la tirait de ce rêve cosmique. D’un pas lourd, qui ne voulait pas quitter le jardin, elle rentra dans la cuisine et alla s’installer dans le canapé du salon, où l’attendait une tisane au thym citronné et les bras affectueux de sa tendre mère.

Consciente de la fascination de sa fille pour les étoiles, elle lui avait branché sur la télévision une cartographie interactive du ciel. Et toutes les deux oubliaient les heures et les minutes en se plongeant dans les constellations d’Andromède et d’Orion. Elles naviguaient entre Vénus et Mercure, avant d’aller à chaque fois effleurer du bout des doigts les anneaux de glace saturniens.

— Maman, un jour je serai une navigatrice spatiale ! J’irai toucher de la main les anneaux de Saturne de mes mains!

Sa mère lui lança un regard de tendresse et lui caressa les cheveux d’une main.

— Ma chérie, tu seras la plus grande exploratrice de la Terre ! Et ton cœur te guidera jusqu’à tes rêves.

Le Réveil.

Une sensation étrange tira Erica de son sommeil, une légèreté soudaine de l’être. Elle semblait bouger d’une étrange manière, à la manière d’un corps flottant sur les remous d’une mer d’huile. Ses paupières glissèrent lentement vers le haut, ses yeux firent une longue mise au point et ses pupilles se dilatèrent, elle était dans l’espace. Elle flottait, à la manière d’un bébé barbotant dans une baignoire. Son lit avait disparu et ses 8 affiches de chaque planète du système solaire semblaient avoir pris vie.

Car Erica pouvait, de ses deux yeux bleus, observer les astres et les planètes. Elle se trouvait à côté d’un immense cercle de glaces et de poussières en suspension, tournant lentement autour d’elles-mêmes.

Entament une brasse improvisée, Erica commença à se mouvoir dans le vide. Les moulinets de ses bras et ses jambes la rapprochèrent plus encore de cette ceinture démesurée, entourant une planète teintée de jaune. Elle tendit un bras et effleura un morceau de glace, provoquant de beaux frissons à son corps. Ou bien ces soubresauts étaient-ils dû à son esprit réalisant où elle se trouvait ?

— Maman !!! Je touche les anneaux Maman !

Sa voie semblait étouffée et sa mère absente, bien qu’elle sentait une douceur maternelle proche de ces corps gelés naviguant en cercle dans le silence.

Soudain, un globe solide s’approcha, coincé entre deux anneaux, et virevolta plus rapidement, provoquant tumulte et ordre parmi les morceaux de glace sortant des rangs.

— Les satellites bergers !

Le cœur d’Erica semblait déborder de son poitrail, incapable de contenir tant de plénitude et d’enchantement. Elle explosait de vie, de bienveillance : elle brillait. Littéralement, de la lumière semblait provenir de son cœur, des cylindres de luminosité projetés et s’évanouissant dans le néant, fusant à travers le vide.

Excitée, dans l’incompréhension, Erica se mit à gesticuler dans tous les sens, éclairant les environs célestes et ressentant chaque point de chute atteint par chaque faisceau de cette lumière endogène. Et l’un d’entre eux fracassa avec bonheur la lunette d’un vieux télescope poussiéreux, dans le jardin d’un pavillon sur terre. Alors, elle se vit. Son œil bleu était soudé à cette grande lunette d’observation, sa mère la regardait d’un œil attendrissant, depuis la baie vitrée de la maison.

Erica observait Erica. Depuis l’espace, elle se voyait. Et se réveilla.

Le Lien.

En nage, l’esprit encore moitié endormi et moitié dans les astres, elle repoussa la couverture de son lit et se rua à toute vitesse jusqu’à la chambre de sa mère. Elle sauta sur le lit et hurla :

— Maman ! Maman !! Maman !!! J’étais contre les anneaux, je touchais les anneaux, j’éclairais les anneaux !

— Je sais ma chérie, depuis longtemps je sais.
Erica leva un sourcil d’étonnement.
— Comment ça Maman ?
— Ma chérie, tu viens de t’accomplir. Tu as trouvé la clé ! Sa voix était d’une douceur enivrante.

— Je me suis vue Maman ! Comment j’ai pu me voir Maman ?

— Tu as vu à travers ton cœur ma chérie. Et tu as découvert que tu étais une étoile, que chacun de nous l’est. Tu as découvert que Erica est un petit univers et l’univers, une grande Erica.

Elle prit sa fille dans ses bras et respira profondément, alors qu’un faisceau de lumière semblait fusionner les cœurs de ces deux petits astres terrestres, sous les battements vigilants des plus grands.