Rêveries

« Rhinocéros, tout d’orange vêtu,
Rhinocéros, tout arrange le vécu,
Rhinocéros, par un rêve étrange,
Rhinocéros, liberté par l’orange. »
Héto, 36 années vécues, penseur-guideur de son état, ne comprenait aucune de ces lignes,

pourtant sensées avoir été écrites par un Saint. Oui, chacune de ses nuits était maintenant hantée par la vision d’un puissant rhinocéros orangé, apparaissant au fond d’un couloir de brume. Ces visions étaient apparues progressivement. Elles avaient commencé avec un épais brouillard, dans un corridor plongé dans une obscurité quasi totale. Une brumaille se levait au fil des rêves, s’épaississant jusqu’à devenir un véritable nuage. Alors apparu la couleur orange, vive et suffisamment flashy pour marquer au fer rouge les yeux de Héto. À chaque réveil, ces halos orangés l’aveuglaient, tels des lumières regardées de bien trop près. La folie le touchait de plus en plus au fil de chaque rêve. Ou bien étaient-ce des cauchemars ? Où se situait la frontière entre les deux ?

Et puis un rhinocéros, soudaine apparition biblique.
Majestueux, vibrant, immobile.
Sa respiration faisait trembler le cœur de Héto. Au plus profond de son être vibrait une

calme mer, frémissant au rythme de chaque expiration du rhinocéros. Et c’était toujours au moment où il pensait s’en approcher le plus qu’une affreuse sensation de peur, d’effroi, le plongeait en chute libre, le réveillant en sursaut.

Il en était même venu à ne plus dormir, à penser des nuits entières, à schématiser, ainsi que sa fonction s’obligeait. Seulement venaient des temps où le corps ne pouvait plus supporter ce manque en régénération et Héto s’effondrait debout, plongeant dans les limbes, traversant d’immenses champs magnétiques, étoilés d’étincelles multicolores. Il chutait à travers les méandres de sa folie, jusqu’à atterrir dans ce couloir et à se confronter à nouveau à la puissance du rhinocéros, effrayé.

Comprenant bien que le haut-cercle de Roma 16 ne pourrait lui offrir les réponses, il comprit très vite que les bas-fonds de la ville monde seraient la clé. Au plus profond des entrailles de cette bouillonnante citadelle œcuménopolique, vestige du futur de la race humaine à son terme le plus fou, il était allé. Héto était penseur-guideur, perfusé à la volonté

de puissance de Nietzche, qu’il devait injecter dans les décisions privées régissant le publique et les 15 milliards d’âmes damnées condamnées à errer sur cette terre désolé de tuyauterie et de bétonnerie. « Là où volonté de puissance fait défaut, il y a déclin », depuis que les Humains avaient colonisés les satellites, s’isolant au grès de leur démence expansionnistes, leurs systèmes avaient engendré une entropie qui les faisait courir à leur perte. Enfin.

« Rhinocéros, une vision éphémère,
Rhinocéros, une vie délétère,
Rhinocéros, par un rêve étrange,
Rhinocéros, orangé sera l’ange. »
— Inutile de vainement tenter la compréhension de la futilité, mieux vaut aller, quérir la

vérité de la bouche de celui qui sait.
Héto s’élança dans les ruelles perdues, loin de la surface, où nulle lueur céleste ne venait

percer. Tout ici n’était que ferraille, froid métal, néons flashy et vapeurs chaudes. Une explosion de couleurs dans les ténèbres stagnantes. Une compensation de l’absence de vie naturelle par la folie démentielle de ceux qui finissaient perdus dans ces tréfonds. Des substances hallucinogènes consommées en flux tendu consumaient les consciences des consacrés de la constellation des corps déconstitués des bas-fonds de Roma 16. Ici, l’âme s’évaporait parmi la fumée qui s’échappaient de ces énormes tuyaux, perfusions urbaines d’une ville à l’agonie.

Il erra, sans avoir de point de chute, vacillant au grès du souffle chaud des énormes machineries, dont la torpeur sonore était à peine couverte par de très fortes musiques électroniques acidulées s’échappant des semblants d’établissements et autres baraquements environnants, dont les murs tremblaient sous la puissance des basses. Quelques mots lui vinrent à l’esprit :

« Quelle folie que de conduire son esprit au bord du précipice, Quelle folie que de vouloir la mort de la conscience construite, Quelle folie que de descendre jusqu’au tréfonds de l’âme humaine, Quelle folie que de vouloir aller faire face à Holy Wayne »

Les mots se dissipaient en temps, laissant derrière eux des marques d’esprits futiles, légères. Holy Wayne, soi-disant savant disait Le cuistre.

— Je suis épris de folie, quel non-sens ! Maugréa Héto.

Plus il s’enfonçait au plus profond de la folie humaine, aux confins de la sanité mentale, plus il y croisait des visages distordus, des couleurs absurdes, des scènes invraisemblables.

Certains forniquaient avec des animaux, d’autres avalaient du cyanure, des corps mutilaient rampaient au sol, enchainés, les yeux vides de vie mais vif de vices. Il croyait à une véritable descente aux enfers qu’il dépeignait pourtant infiniment plus doux. La folie auto-destructrice d’Hommes ayant abandonné leurs corps à des âmes maudites, aux confins d’une terre ne voulant d’eux qu’en ces lieux sous terrains, cachés. Une forte musique électronique, métallique, résonnait, semblant sortir à l’unisson des gorges de ces perdus. La vision de Héto dépassait l’entendement qu’il avait pu avoir des sous-sols de Rome 16. Comment un prétendu Saint pouvait se trouver au sanctuaire des déchus ?

Perdu, Héto s’approcha d’un homme accroupi à l’angle d’une mince ruelle, il était d’une maigreur à faire transpercer sa peau par ses os, tremblants de toute sa chaire. Il lui demanda :

— Mon brave, auriez-vous l’obligeance de m’indiquer la marche à suivre afin de trouver celui que l’on surnomme Holy Wayne ?

L’homme le regarda soudainement, les yeux complètement noircis et répéta frénétiquement :

— Par ma volonté je péris ! Par ma volonté je péris ! Par ma volonté je péris !
— Monsieur, HOLY WAYNE ! Ce nom vous évoque t-il quelque chose ?
— Par ma volonté je péris ! Par ma volonté je…
Héto s’éloigna de cette démence, comprenant qu’il n’en tirerait rien d’autre que des

souvenirs d’horreurs. Il marcha quelques pas et alpagua une femme qui boitait, une grande corne ornant son front :

— Madame, auriez-vous l’obligeance de…
— Holy Wayne… Z’êtes qui vous ?
— Je me prénomme Héto, je suis un penseur-guideur et je cherche à j…
— Encore un fêlé d’la haut. Holy Wayne, c’est l’ruelle à droit’, d’ici queq’centaines

d’mètres. ‘Verrez un grand panneau lumineux, marqué « ‘ci gît l’bon voeu».
— Vous êtes bien aim…
— ‘Crois pas qu’la camaraderie marche ici mon gars, remballe !
Et elle s’éloigna, boitant sa misère et portant sa pénibilité d’existence. Héto courra en la

direction indiqué, fermant ses yeux aux visions d’horreurs qui s’offraient à lui. Des corps difformes, avec plus de membres qu’il n’en fallait, erraient au grès du vent chaud et putride qui balayait ces enfers.

Héto arriva vite jusqu’à cet immense panneau de néons rouge vif, qui éclairait tout les environs. « Ici gît le bon vœu », indiquait les grandes lettres lumineuses. Sans broncher, il

s’engagea dans cette ruelle, suffisamment étroite pour ne pas laisser passer plus de deux personnes de front. L’obscurité régnait ici, tranchant avec l’éruption colorimétrique des différentes artères traversées jusque là. Seules des flèches rouges, semblant indiquer la direction du cabinet du diable, trônaient au mur, donnant un aspect terrifiant à cet espèce de corridor de la mort. Quelques personnes se tenaient là, appuyées contre les murs ou bien avachies sur le sol, murmurant des paroles que Héto ne parvenait à saisir. Il marcha lentement jusqu’à ce qu’une porte métallique se présente face à lui. Il toqua trois fois et entendit une voix mielleuse lancer :

— Qui donc vient expier ses vices ?
Héto parla fortement, afin que ses paroles traversent l’épaisse porte métallique :
— Je me prénomme Héto, je viens v…
La porte s’ouvrit, lentement, grinçante. Héto pénétra timidement à l’intérieur et ne vit

d’abord que des néons orange éclairant une pénombre. Mais très vite, son œil fut attiré par un rhinocéros orangé grandeur nature qui trônait au centre d’une pièce assez grande, bien que basse de plafond. Héto écarquilla ses yeux au possible, cherchant à vérifier l’acuité de sa vision mais il y avait bel et bien une statue géante de rhinocéros orange devant lui. Cela ne se pouvait. Son regard balaya les lieux et buta sur quelques tableaux mettant en scène des rhinocéros auréolés volant au grès des étoiles ou encore flottant contre une étoile, brillant de milles feux mais entourés d’êtres humains brulant vifs. De nombreuses cornes ornaient les murs et le plafond, certaines maquillées, d’autres semblant perforer des crânes. L’une d’entre elles avait un cœur accroché à sa pointe. Un cœur qui battait encore. Héto frissonna de ces visions étranges et finit par poser son regard sur une dame rousse en longue robe orange sombre, qui lui indiqua d’une main un couloir, ajoutant :

— Soyez prêts, votre avenir vous attend Héto, guideur-penseur.
— Comment saviez-vous que…
— Holy Wayne sait. Il attendait votre venue.
Hésitant, ne comprends toujours pas ce qui lui arrivait ni pourquoi il était là, Héto,

s’avança lentement. Il lui semblait voir son esprit s’enfoncer dans la démence au fur et à mesure qu’il marchait dans ce couloir. Les quelques néons oranges au plafond lui offrait un poil de luminosité, suffisamment pour voir d’insensés tapisseries aux murs : un serpent se dévorant lui-même, un être humanoïde se découpant en voulant passer à travers les barreaux aiguisés d’une cage, un troupeau de rhinocéros orange piétinant à mort un champs d’enfants…

Il parvint jusqu’à une vieille porte en bois, lacérées de coups d’épées ou de haches. Il mit la main sur la poignée et hésita. Mais toute son existence s’était résumée à ce moment, à cette porte à ouvrir, ou non. Ce rhinocéros orange hantait maintenant ses nuits depuis seize années d’une vie inexplicablement vide de vitalité. Vivement la vérité, bien qu’invivable pouvait être le vrai. Il observa sa main droite, tremblante, emplie de cicatrices. Il n’avait plus mal, il avait atteint le but. Son décrochage sociétal l’avait fait chuter jusqu’aux fonds enfouis de Roma 16, sous-sols effrayants de l’esprit humain, voile levé sur le véritable univers intérieur de la race humaine. Sur son propre univers intérieur. Sans énergie, au bout de son possible, il tourna la poignée et franchit le seuil.

— Incroyable, il en a trouvé l’chemin. Vous z’êtes donc pas un char, corniaud de vot’ état.

Un homme noir était assis sur un miteux fauteuil en cuir marron, dans un coin de cette pièce parfaitement vide. Chaque main sur un accoudoir, il semblait être le Roi du vain trônant sur le néant.

— Héto, vous en avez taillé des bornes pour v’nir jusqu’à ma gueule.
— Êtes-vous… Êtes vous celui que l’on surnomme… « Holy Wayne » ?
— En chair et en os. Enfin, en chair si on veut. En présence si vous préférez. Mon corps

n’est qu’une enveloppe.
— Et qu’enveloppe t-il ?
— Hahaha, chaque chose en son temps l’bleu. Vous z’êtes pas v’nu pour m’faire des

analyses de sang mon gars. Vous z’êtes venu parce que depuis 16 piges, au pieu, impossible de fermer l’œil sans le voir. Hein ?

La malice remplissait les yeux de Holy Wayne, il semblait être un tout, au courant de tout et capable de tout. Peut-être n’était-il vraiment pas Humain, se dit Héto.

— En effet, chacune de mes nuitées semble être quelque peu agitée par l’apparition d’un… D’un rhinocéros orange. Il se trouve que mon existence en fut irrémédiablement bouleversée depuis sa première apparition lors de mes rêveries.

— Rêveries. Ouais, le terme est juste. Étonnant que vous ayez utilisé ce mot là, vous ne semblait pas être initié pourtant. Bref, ouais, le rhinocéros apparaît à ceux qui veulent. C’est bon signe non ? Vous voulez !

— Que voudrais-je ?

— Ça mon poto c’est à vous de l’découvrir, je suis que l’prophète. J’vous z’indique le chemin mais je le prends pas à vot’ place. Ayez le tarin creux et faites le bon choix, sinon préparez-vous à vous faire rectifier.

— Périr de quelle main ? Questionna Héto, méfiant.

— Par la vot’ ! Z’avez pas déjà l’impression d’être sur la pente fatale ?
— Comme tous ces gens au dehors ? Qui sont ces âmes errantes ?
— Ils sont les déchus, ceux qui ont échoués et ont raté leur saut d’l’ange. Hahaha, ils sont

tombés dans l’abysse, dans leurs limbes ! Ils ne peuv’ plus r’monter et sont condamnés à sombrer dans la folie. Eux n’ont pas apprivoisé l’rhino !

Un vague ressentiment de rêve éveillé, de rêveries dans une rêverie. Un goût d’irréel flottait, emplissait la pièce d’un air quelque peu nauséabond.

— Quel est ce rhinocéros qui m’apparaît incessamment ?
— Y a pas de rhinocéros, y a que l’illusion d’un rhinocéros.
Héto ne proposa que le silence pour réponse. Il lui semblait avoir plus encore de questions

qu’avant de rencontrer Holy Wayne. Ce dernier ne lui répondait que par d’autres questionnements, énigmatiques. La pièce semblait s’être rétrécie et Wayne semblait attirer toute source de luminosité.

— Le rhinocéros apparaît à ceux qui sont prêts. Ceux dont l’esprit a atteint les limites d’la cage qu’il s’est créé. Il est la puissance, la domination, la r’lation avec le vivant. Il est la liberté, l’espace.

— Pourquoi est-il orange ?

— Parce qu’il représente ainsi la passion, la vitalité, la libération d’l’être. Il représente ainsi la clé !

— Quelle clé ? Permettez-moi de vous transmettre mon incompréhension quant à vos propos. Que suis-je sensé faire ?

— Embrassez vot’ être, buvez vot’ essence. Soyez qui vous d’vez être ! Supériorisez- vous ! Ce n’est que lorsque le héros l’a abandonné que s’approche en rêve – LE SUR- HÉROS!

Holy Wayne devenait hystérique. Héto commença à paniquer, cherchant du regard à saisir la vivacité de paroles du Saint.

— Comment ? Comment dois-je procéder ?!
— LES RÊVERIES , elles sont la clé.
— Je ne saisis, dois-je me rendormir et retomber dans mes rêves ?
Holy Wayne se leva alors et alla ouvrir un flacon. Il en vida le contenu dans une coupe en

bois et la tendit à Héto :
— Buvez, et allez ! Embrassez qui vous z’êtes ! Ce Rhino n’est là que pour vous z’aider.

Allez le voir. Et dites-lui bonjour d’ma part hahaha !

Héto attrapa la coupe et hésita. Il en respira le liquide et compris qu’il allait certainement partir dans un trip hallucinogène. Il allait refuser mais au diable !

Au diable la frousse qui le rongeait en permanence ! Au diable la retenue qui l’empêcher de respirer !
Au diable la négation qui lui bloquait l’espérance ! Au diable la cage qui atrophiait sa vitalité !

Il avala cul-sec et tomba à la renverse, basculant dans une faille abyssale de son être. Au lointain résonnait une litanie, de la voix de Holy Wayne :

Ô Rhino en qui croise la vie,
Ô Rhino en qui croit l’ami,
Ô Rhino en qui l’espoir sème,
Ô Rhino en qui les gloires s’aiment.

Alors Héto sombra, chuta pendant l’infinité. Une chute si longue qu’il lui semblait voir son corps flotter, sans qu’aucune volonté ne puisse en affronter la direction. « Embrassez qui vous êtes », les paroles de Holy Wayne flottaient quelque part dans l’immensité désertique de son âme. Il voyait des dunes jusqu’à l’horizon, qu’un vent fort faisait déplacer, décoller, dé- solidariser, jusqu’à ce que ces milliards de grains de sable ne tournoient dans les airs et ne se reforment en un majestueux rhinocéros, qui gratta le sol de sa patte gauche et se mit à foncer vers Héto. Ce dernier ferma les yeux et se prépara à l’impact mais le rhino explosa au moment de pénétrer sa chair, laissant place à une immensité de tuyauteries. Héto parvint à se rapprocher et entendit comme des paroles provenant des profondeurs de ces couloirs cylindriques.

« À toute volonté violente le beau est inaccessible ! »
« Je te sais capable de tout le mal possible, c’est pourquoi j’exige de toi le bien ! »
« Ton but suprême tu l’as placé au cœur de tes passions ! »
Héto frappa violement les tuyaux, à s’en faire saigner les poings, encore et encore, jusqu’à

ce que ne cède le métal froid. Mais nul liquide ne s’en échappa, uniquement, des mots immenses, flottant dans des vapeurs orange. Les mots mêmes que Héto entendait juste avant. Apparu alors du tuyau percé ceux-ci :

« JE SUIS CE QUI DOIT TOUJOURS SE SURMONTER SOI-MÊME ! »

Un courant marin intensifia l’effondrement de l’âme aquatique de Héto, qui fut aspiré de l’intérieur jusqu’à être projeté dans un couloir sombre, brumeux et humide. Il était à bout de souffle, souffrait le martyr, voulait en finir. Avec lui-même, avec tout.

Vide.
Nulle énergie.
Nulle vitalité.
Nul cœur qui bat.
Nul.
Alors vibra l’air, fortement, en rythme légèrement saccadé. Alors s’orangea le brouillard,

progressivement. Alors en émergea le rhinocéros orange, majestueux, vibrant, immobile. Y était-il arrivé, avait-il maintenant la clé ?

« Y a pas de rhinocéros, y a que l’illusion d’un rhinocéros. »

Rassemblant les forces qu’il n’avait plus et son courage qui toujours le fuyait, Héto avança, péniblement, jusqu’à s’approcher suffisamment prêt pour sentir le souffle de la majestueuse bête. L’œil du rhinocéros qui s’offrait à la vision de Héto semblait si paisible, si sûr de lui. Une telle force certaine et calme. Alors il tendit sa main droite, progressivement jusqu’à ne se trouver qu’à quelques centimètres de son impressionnante cuirasse. Il fit un dernier effort et entra en contact avec le rhinocéros. Alors survint un flash. Alors s’ouvrir en grand les yeux de Héto. Un flux, intense, inarrêtable. Une énergie immense, aux possibles infinis. Une inspiration sans limite, gonflant les poumons, vigorifiant les veines, oxygénant la volonté.

— Quelle énergie ! QUELLE ÉNERGIE!

Héto hurlait d’euphorie, trippait au plus haut, s’élevait jusqu’aux cimes de son être, au zénith de son essence, aux sommets de son conatus. Il se sentait fort, il se sentait sûr de lui, il se sentait invincible, il se sentait lui. Alors résonnait en son cœur une voix très lointaine, rauque, celle de Holy Wayne. Il prononça ces mots, bien que Héto ne le voyait pas :

— Y a ceux qu’apprivoisent le rhinocéros, et t’en es parmi mon frère.

Alors, Héto inspira un grand coup et vit toute sa vie défiler à toute vitesse, jusqu’à ce que soudainement, essoufflé, en nage, tremblant, il ne se réveille.

Il était dans son lit, au quartier haut-cerclien de Roma 16. Il allait bien.