Ozymandias

On m’appelle Ousirmaâtrê Setepenrê, Ramessou Meryamon Le vent souffle sur la vallée aride… Désheret et Khaset s’opposent à Kêmit. On m’appelle
Ousirmaâtrê Setepenrê, Ramessou Meryamon. Louxor s’étend face à moi, pleine de vie tandis que
de mon côté, le silence règne en maître. Les maisons des vivants font face aux maisons des morts
dans la plus grande indifférence. Les anciens pharaons sont endormis, tous autant qu’ils sont,
comme nombre de mes enfants, engloutis dans cette tombe qui fait face à la mienne. A côté de moi,
dans une autre tombe bien plus petite, repose l’enfant mal formé, Toutankhamon, celui qui restaura
le culte d’Amon et qui mourût dès son plus jeune âge. Le fils de l’hérétique, celui dont je ne
prononcerai jamais le nom et qui a terni à jamais sa dynastie. Amon, Mout et Konsou, venez à moi
une dernière fois avant qu’Anubis ne m’emmène définitivement ! L’étoile Soptet s’était posée sur
mon âme pour la quatre-vingt-dixième fois et dernière fois. Ce ne fût que le battement d’un sourcil
comparé aux soixante-dix jours depuis lesquelles j’attends ce moment et je quitte enfin per nefer.
Interminable attente. Amset, Hâpi, Douamoutef, Kébehsénouf… Même avant de le rejoindre, je
connaissais plus le monde des morts que celui des vivants, je suis et resterai toujours le plus ancien
de tout mon peuple. Mais enfin, le Sem aproche avec les quatre-vingts-dix tiges en bourgeon. Je
rejoins mon Ka tandis que le perséa entoure ma tombe.
Cela fait à présent soixante-six années que je régnais sans partage sur l’Égypte et les
contrées voisines, Koush, Canaan, chacun savait qui j’étais et s’en souviendra toujours. Rien
aujourd’hui ne pouvait s’opposer à moi, je suis celui qui apporta la paix au monde sous l’égide de
l’Égypte, sous mon égide.
Qui peut rivaliser avec les splendeurs de nos pharaons ? Personne ne peut se montrer à la
hauteur de nos œuvres. Mes colosses rappelleront au monde que je suis son créateur, Osiris, le
grand Dieu, Serekht et que je suis éternel. Seth ne m’aura pas. Comme j’ai soumi les Khéta, je le
soumettrai.
Le long sommeil s’approche de mon corps qui ne frémit pas mais je me tiens prêt. Je m’en
vais rejoindre Néfertari et Khâemouaset, mais nul n’oubliera mes exploits, chacun m’enviera,
m’aimera, comprendra que le temps n’a pas d’emprise sur moi et quand je reviendrai, chacun,
comme aujourd’hui se prosternera devant l’éternel Ramsès, deuxième du nom. Ils s’en souviendront,
tous, ceux du passé et ceux du futur, Le Grand est le nom que l’on m’a donné, on s’en souviendra.
Mon esprit vagabonde lentement à travers les salles qui compose ce tombeau. Il s’étend,
immense, à l’infini, comme ma lignée, beaucoup d’entre eux sont déjà repartis. Tous mes fils les plus
proches sont déjà tombés. Ceux que je pensais dignes de me succéder et de faire honneur à mon
nom. Ce tombeau sur lequel je veillerai à présent d’en face les accueillera tous, eux et leurs
richesses après moi, quand plus rien n’aura de sens pour eux.
Mon nom est et restera partout, ici comme ailleurs, chacun saura que c’était moi et personne
d’autre qui était ici et qui a fait édifier ce tombeau. Tout le monde connaîtra mon nom. Personne ne
pourra m’oublier. Je n’ai pas peur et je resterai présent à jamais dans le monde des vivants. Jamais je
ne le quitterai…
Mais on m’enferme à présent, comme il en est l’usage au milieu des shaouabtis, afin que je
ne parte pas seul. Je rejoins ma maison d’éternité dans laquelle plus rien n’aura de sens hormis le
temps… Les serdabs coupant parfois ma mélancolie. Nepthys, ne me retiens pas et apporte moi
Heket ! Isis, mon aimée, viens à moi et délivre moi du sarcophage !

Les rêveries d’Ozymandias

Venez apprendre de mon œuvre, ô puissants !
Vous passez tous tandis que je demeure, solitaire.
Hommes dont les histoires sont baignées de fer,
Devant Ozymandias, vous retournez au néant !
Parmi vos dépouilles je resterai le seul survivant
Enfin, je sortirai l’Égypte des années de misères
Car j’apporte avec moi la connaissance des géants
Ma renaissance apportera les fruits d’une nouvelle ère !
Depuis de nombreux siècles, je vous attends.
Égaré, dans les nombreux méandres du désert.
Mais j’entends soudain les chants d’un jeune enfant.
Innocent, il se pose sur mes deux jambes de pierre.
Il me parle des ravages qu’on apporté le temps.
Porteur d’un message candide aux envolées amers,
Je lui réponds, chuchotant dans le souffle du vent.
Mon être reste lié à tout ce qui est sur cette terre.
Le retour d’Ozymandias
L’air chaud me brûle le visage même s’il demeure caché. Vite, il ne faut pas que je traîne
sinon cela risque d’entraîner de sérieux problèmes. La nuit est tombée et je vais enfin pouvoir agir,
l’ombre couvrira mes actes. Depuis des années je protège ce lieu et ses merveilles et ce soir, d’autres
pillards tentent leur chance ! Ils ne savent pas ce que je ressens ici, cela les dépassent totalement.
Ils entrent dans KV7, cette tombe est celle de Ramsès II, vidée depuis bien longtemps, c’est
étrange de leur part. Je m’approche discrètement de l’entrée et compte leurs pas. Je connais cette
tombe par cœur. Ainsi je saurai quand je pourrai m’approcher.
« Merde ! Je dois me dépêcher, sinon ils vont tout saccager ! »
« Amenez le sarcophage ici ! Traînez-pas ! »
Des pilleurs de tombes… J’en étais sûr ! Mais pourquoi empruntent-ils le tombeau de Ramsès
II ? Il est connu pour être l’un des plus grands mais surtout l’un des plus abîmés de la Vallée des
Rois… M’enfonçant dans le tombeau, j’entends les voix qui résonnent au loin distinctement. Rien
qui n’augure du bon. Soudain une lumière, un mal de crâne intense et plus rien…
« Tu es dans les bras de Seth à présent… Ton sacrifice nous seras utile… »
Je me réveille, mal de crâne, irrespirable. J’essaye de remettre en place mes sens. On m’a
subtilisé tous mes biens. Devant moi le noir complet, mes doigts s’approchent des hiéroglyphes
inscrits sur le mur, immortalité et renaissance… Nous sommes bien dans le tombeau de Ramsès II
mais où ?! Je ne peux pas me lever, on m’a placé là pour une raison particulière, m’empêcher de
partir… Mais pourquoi refuser de me tuer dans ce cas ? Mes bras et mes chevilles sont ligotées.
Je dois vite me sortir de là, cette pièce doit bien posséder une sortie secrète, un passage…
Petit à petit cependant il me semble reconnaître une chambre latérale de Ramsès II. J’essaye de me
mouvoir, mais bien que cette pièce soit grande, je reste bloqué au milieu des débris. Je prends un
caillou et tape contre les débris. Cette salle est petite, moins de 12m2. Trouver la sortie ne sera pas la
chose la plus difficile à réaliser. Je commence à réussir à me dégager, les nombreuses heures que j’ai
passé dans le désert ne sont pas inutiles et à force de frotter les cordes contre les débris, je parviens

à libérer mes bras. Mais je n’arrive pas à dégager mes jambes. Vite, je dois trouver une solution…
En tâtonnant autour de moi, je finis par apercevoir ce qui semble être le bout d’un os… Cela me
semble même être un squelette… Au moins je sais ce que l’on attends de moi à présent ! Je tire sur
l’os qui me semble le plus grand et tente de l’arracher du corps. J’entends un craquement, c’est bon !
Enfin, je peux tenter de faire basculer la pierre qui bloque mes jambes. Si je réussi mon coup, je me
dégagerai enfin, si j’échoue, ce tombeau sera mon tombeau.
Un, deux, trois… Libre ! Je détache mes jambes et atteint à l’aveugle les restes de la porte en
bois que j’ouvre sans difficulté le plus discrètement possible. La noirceur qui régnait dans la pièce
s’efface devant les torches entreposées le long du couloir. A en croire leur état et celui du couloir,
elles sont régulièrement entretenues. Mais pourquoi des pilleurs chercheraient-ils à s’installer dans
une tombe ? La lumière des torches me brûle les yeux après plusieurs heures dans un noir complet.
A présent je suis les lumières, je n’ai aucune idée du temps que j’ai passé ici. Un certains
temps probablement, la faim se faisant sentir autant que la soif. Continuant à circuler dans les
couloirs, j’observe les représentations ornées de motifs jaunes et noirs, symboles d’immortalité et de
renaissance. Aucun doute n’est possible, je suis toujours dans la tombe de Ramsès II. Soudain
j’attends une voix au loin, cela ressemble à du copte et au démotique, mais j’en perçois de
nombreuses nuances… On dirait qu’un fou s’exprime en égyptien ancien !
« Seth ! Accepte ce sacrifice que je fais pour toi ! Elle rejoindra tes servantes comme les
autres ! »
Des cris percent alors le couloir ! Des appels à l’aide ! Je cours dans le couloir et arrive vers
d’une autre pièce. Un spectacle ahurissant se déroule devant mes yeux. Un homme masqué se tient
au milieu de la pièce, avec mon poignard en main tandis qu’une jeune femme se débat sur une
grande table, tenue par quatre autres personnes. A mon arrivée, l’homme masqué hurle.
« Seth, protège-moi que j’accomplisse mon devoir envers toi ! »
A cet instant, deux hommes s’élancent sur moi, vêtus comme des soldats de Ramsès ! Ils
portent des khépeshs ! Par réflexe, j’envoie du sable sur leurs visages et je les charge d’un coup
d’épaule ! Je dois agir au plus vite, cette folie ne semble pas se terminer ! Le leader est tout trouvé,
je dois le tuer, les autres ne se battront pas sans lui. Je m’empare du khépesh d’un de mes assaillants
et le lance immédiatement sur l’homme masqué ! N’ayant pas prévu ce mouvement, il s’écroule en
arrière.
Voyant la mort de celui qui semblait les diriger, les autres s’enfuirent alors, abandonnant tout
sur place. La femme au centre respire à peine. Dans un souffle elle s’adresse à moi.
« Merci, ces fous voulaient me tuer ! Ils rendaient un culte à un dieu antique ! Mais que
faîtes-vous ici ? »
« Je vous ramène à Louxor, partons d’ici, ce n’est pas un endroit sûr. »
Je ne réponds pas à sa question, m’assurant juste qu’elle soit en état de sortir de la tombe.
Seth n’est pas n’importe quel dieu et son culte n’apporte que le chaos. Il est de mon devoir
d’éradiquer ce culte et de protéger l’humanité. Retournant à mon silence, elle essaye de
communiquer une autre fois.
« Au moins pourrai-je savoir à qui je dois la vie ? »
«On m’appelle Ozymandias. »

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